Ce jeudi 12 octobre, c'est à Toulouse, dans cette belle salle Jean Jaurès de la Fédération de Haute-Garonne, devant le Conseil Fédéral, que j'ai annoncé mon départ du PS.
Plus de 22 ans après y avoir adhéré, au lendemain, très exactement, de l'élection de Jacques Chirac à la Présidentielle de 1995.
Autant dire que c'est pour moi une longue page qui se tourne.
Avec de l'émotion, bien sûr. Mais sans regrets, ni pour les années écoulées, ni pour cette décision qui maintenant s'imposait à moi.
Merci à Sébastien Vincini, 1er Fédéral du PS31, pour les regrets qu'il a exprimés en me donnant la parole ce soir là. Une pensée particulière pour Serge Pontié, autrefois secrétaire de la section de Balma, qui m'a accueillie, avec toute sa sincérité militante et son affectueuse attention. Et un grand merci à toutes et tous, camarades, ex-camarades, ami-e-s, qui m'ont depuis adressé mots gentils et signes amicaux.
Et puisque cela m'a été demandé, et que je n'ai rien dit que je n'assume publiquement, voici le texte de mon intervention.
Intervention devant le Conseil Fédéral PS31
Toulouse, le 12 octobre 2017
Cher-e-s camarades,
La situation est difficile, les enjeux sont majeurs, et notre responsabilité collective est immense.
J'espère cependant que vous me permettrez de prendre un peu de temps pour une intervention plus personnelle.
Car ce soir, je suis venue vous dire au-revoir, annoncer ici mon départ du Parti Socialiste, et en conséquence remettre immédiatement mes mandats au Conseil Fédéral et au Bureau Fédéral.
J'ai tenu à le faire, car je trouvais plus franc et loyal de venir le dire ici, dans cette salle que je connais depuis plus de 20 ans. Elle est remplie de souvenirs. Des bons, et des mauvais. Mais des bons...
Et je tenais à le faire directement devant vous, car aucun de vous n'est à titre individuel la cause de mon départ.
La cause, c'est la distance, peu à peu accrue au fil des derniers mois, avec ce qu'est devenu aujourd’hui le Parti Socialiste.
J'ai déjà failli déchirer ma carte x fois, quand des dirigeants issus de nos rangs, dont nous avions par nos engagements militants permis la victoire, ont commencé à mettre en oeuvre ce que nous combattions avant d'accéder au pouvoir. Retraites, loi Macron, loi Travail... Mais inutile d'allonger la liste, chacun comprend parfaitement de quoi je veux parler.
Je ne l'ai pas fait, comme un certain nombre d'autres, considérant que je n'avais pas à me faire mettre à la porte de chez moi par ceux qui, à mes yeux en tout cas, s'éloignaient de nos idéaux, et foulaient aux pieds les textes que de conventions en congrès nous avions collectivement adoptés.
C'est pourquoi vous ne m'entendrez pas non plus demain reprocher leur choix à ceux qui restent, comme on peut parfois l'entendre à l'extérieur.
Mais, pour ma part, je suis aujourd'hui arrivée au bout du bout de ce chemin.
Je ne crois absolument pas en la capacité de la Direction Nationale à mener à bien une quelconque refondation.
Les mêmes qui, hier, laissaient faire, au mieux, ou fustigeaient ceux d'entre nous qui émettaient des critiques, seraient aujourd'hui devenus de fermes opposants à la politique de Macron ? Alors que, certes pas dans tous les domaines, mais sur certains plans tout au moins, il ne fait que s'engouffrer dans les brèches ouvertes dans le mandat précédent. Vont-ils maintenant appeler à manifester, après avoir demandé silence et discipline ? A l'Assemblée Nationale, le président du groupe (ce qu'il en reste) est le même. Le groupe ne se nomme d'ailleurs même plus « socialiste ». Pour ménager X ou Y, sans doute.
Le résultat, c'est une totale confusion. Et je ne veux plus de cette confusion.
Dans ce contexte, je salue et dis bravo à ceux qui sincèrement y croient encore, particulièrement dans cette Fédération. Travail et humilité, j'avais beaucoup aimé tes mots, Sébastien, pour tracer les perspectives de ces chantiers de rénovation.
Mais moi, je n'y crois plus.
J'ai connu 2002. J'étais là au début du NPS, avec des camarades qui s'appelaient Montebourg, Hamon, Peillon. Congrès après congrès, que de débats et de combats, que d'énergie et d'espoirs... Mais voilà, nous savons ce que cela a donné.
Je n'ai plus envie de poursuivre ainsi, dans ce climat de confusion.
La clarté, pour ce qui me concerne, c'est maintenant de partir, et souhaiter bon courage à d'autres.
Pour finir, dans cette dernière intervention, j'aimerais partager avec vous deux sentiments. Un négatif, et un positif.
Je commence par le négatif : le sentiment de déconnexion que j'ai parfois, trop souvent, éprouvé, entre le fonctionnement du Parti et les réalités de ma vie personnelle ou professionnelle. C'est enfoncer des portes ouvertes que de dire que le PS n'est pas représentatif de la diversité de la société. Nous le savons tous.
Mais je dois vous dire que j'ai parfois trouvé cela bien étrange. Parfois bien pesant aussi. J'en ai eu de multiples exemples. Mais je me dis que, peut-être, certains ne se sont pas toujours rendu compte de ce grand écart, pris dans les habitudes et les repères de leur propre vie, comme chacun de nous peut l'être, moi comprise. C'est pour cela que je veux le dire ce soir. Sans offense aucune.
Car je crois qu'il y a derrière un vrai débat de fond. L'engagement doit-il être une succession de mandats, limité dans le temps, ou bien faut-il le professionnaliser ?
Le même genre de débat se pose d'ailleurs pour les Organisations Syndicales. Vaut-il mieux viser une certaine efficacité avec des permanents syndicaux, ou bien confier des mandats à un plus grand nombre de salariés gardant une activité professionnelle ?
La politique est-elle donc une science qui s'enseigne et conduit à des carrières, ou bien un engagement, limité dans le temps, de simples citoyens ?
Peut-être certains connaissent-ils ce texte écrit, sur son blog, par l'ancienne ministre Michèle Delaunay : « Le Tunnel ». Intéressant texte, qui pose d'excellentes questions.
Peut-on prétendre organiser la vie des gens, si on n'a pas soi-même vécu ce que l'on pourrait qualifier de « vie normale », c'est à dire proche de ce que vit une partie significative de la population ?
Personnellement je pense que non. Et cela n'enlève absolument rien aux qualités personnelles de ceux qui ont ce parcours. Ce n'est pas une question individuelle. C'est une question d'équilibre collectif.
Mais c'est un débat un petit peu plus complexe que quelques phrases. Il a toute sa place dans un processus de rénovation. Mais il faudra nécessairement y répondre.
Le positif, c'est que, je dois vous l'avouer, je me suis enrichie.
Pas financièrement, je vous rassure, pas d'un centime - plutôt le contraire, sur ce plan, comme beaucoup de militants qui donnent temps et argent.
Mais je me suis enrichie au contact de celles et ceux que j'ai croisé-e-s depuis 22 ans, et grâce à tout ce que j'ai pu vivre dans ce Parti. Enrichie en ouverture d'esprit, en rencontres, de gens différents, et d'idées diverses. Et j'ai beaucoup, beaucoup appris.
Je ne pense pas que ce large éventail de points de vue qui caractérise depuis longtemps le Parti Socialiste soit une faiblesse intrinsèque. Au contraire. Je préfère la confrontation d'idées différentes, parfois même opposées, à la déclinaison d'un dogme unique. J'aimerais espérer que cela se poursuive, que la clarification et le retour aux fondamentaux s'accompagnent de cette capacité à rassembler des pensées non uniformes et libres.
Mais maintenant, ce sera sans moi.
Pour autant, socialiste je suis, socialiste je reste.
Je vous dis au-revoir, mais peut-être, sans doute, je l'espère, nous retrouverons nous, à travers les réseaux, sociaux ou humains, ici ou là.
Merci de votre attention.