Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Présentation

  • : Une souris rose
  • : Chroniques ordinaires d'une socialiste de Haute-Garonne.
  • Contact

Paroles

On est socialiste à partir du moment où l'on a cessé de dire « bah,  c'est l'ordre des choses et nous n'y changerons rien », à partir du moment où l'on a senti que ce prétendu ordre des choses était en contradiction flagrante avec la volonté de justice, d'égalité et de solidarité qui vit en nous.

Léon Blum

Rechercher

Archives

7 décembre 2014 7 07 /12 /décembre /2014 21:19

grosse fatigue

Comme une grosse fatigue, après l'annonce par le gouvernement du choix du consortium sino-canadien pour la privatisation de l'aéroport de Toulouse Blagnac - oui, privatisation, appelons un chat un chat.

Je suis purement et simplement scandalisée par ce choix.

Je ne vois pas une seule bonne raison qui le justifierait, mais au contraire tout un tas de raisons qui le rendent inacceptable.

Le principe même de cette "ouverture du capital", pour reprendre les éléments de langage du ministre Emmanuel Macron, posait déjà question. Pierre Izard, président PS du Conseil Général de Haute-Garonne, l'exprime très clairement dans son communiqué : "ce qui s'avère être la privatisation d'un équipement public stratégique majeur".

Certains rétorquent que ce n'est rien de grave, juste une "concession". Quand bien même cela ne serait "que ça". On a vu le résultat avec les autoroutes. Sommes-nous en train de nous préparer les futurs problèmes de concession des aéroports ? Et les gares, pour quand ?

La question économique est la première qui a fait réagir à Toulouse, de par la proximité avec Airbus et autres ATR. Airbus et l'aéroport sont en effet intimement liés, de chaque côté des pistes que l'entreprise utilise pour son activité. La CGT d'Airbus a tiré la sonnette d'alarme, et Jean-Louis Chauzy, président du CESR Midi-Pyrénées, a été le premier à taper du point sur la table. Des parlementaires de Haute-Garonne ont fait état de leurs craintes, et se sont dit rassurées par des engagements sur la consession de l'utilisation des pistes et des locaux par Airbus. Jusqu'au jour de l'annonce, de nombreuses voix se sont élevées pour dissuader le gouvernement du choix du plus offrant.

Une fois le choix chinois annoncé, on nous expliqua qu'il ne fallait pas s'inquiéter, que toutes les garanties avaient été apportées vis à vis d'Airbus, et que c'était fantasme malvenu que de s'inquiéter de l'arrivée de ces capitaux chinois juste à côté d'un de nos fleurons industriels. Il est vrai qu'Airbus a construit une usine en Chine, et a bien d'autres raisons de s'inquiéter de l'espionnage industriel. Mais il est un fait que l'on a appris récemment que de grandes oreilles chinoises avaient été déployées en région parisienne. Je note aussi que le maire socialiste de Mérignac s'est empressé de dire que l'aéroport de Bordeaux-Mérignac n'était pas à vendre, et de parler de la proximité avec Dassault. Et Jean-Louis Chauzy résume avec bon sens la question : "imaginerait-on que les USA laissent s'installer à Seattle à côté de Boieng des investisseurs chinois ?".

Alors oui, je pense moi aussi que parler de patriotisme économique et industriel, en l'occurrence européen, a un sens. Je partage l'avis, par exemple, de Karine Berger, secrétaire nationale du PS à l'économie, qui a dit son malaise de vendre à des structures étrangères non-européennes des infrastructures stratégiques. Et je ne partage pas le point de vue de ceux qui disent que le fait que ce groupe soit chinois n'est pas le problème. Si, c'est aussi un problème.

Certes, un des gros problèmes, unanimement souligné, tient à la nature du consortium gagnant. Un groupe canadien, Lavalin, que la Banque Mondiale a radié pour 10 ans de ses projets, et deux fonds chinois qui soulèvent de nombreuses questions. No comment.

L'autre point noir majeur concerne l'environnement et l'aménagement du territoire. Car ce groupe déclare vouloir tripler le traffic de Blagnac. Non mais ça va pas ? Les associations de riverains parlent évidemment de catastrophe. Mais au delà des riverains, c'est toute l'agglomération qui se sent concernée. Des citoyens à qui personne n'a demandé s'ils étaient d'accord pour que leur aéroport devienne un second Roissy ! Au delà de la métropole même, c'est toute la région qui s'inquiète, voyant ressurgir le sujet d'un 2e aéroport qui avait soulevé de fortes oppositions et avait fini par être abandonné. Car évidemment, Blagnac étant enclavé proche de la ville centre, comment concevoir de tripler son traffic sur place ?

Avec toutes ces inquiétudes exprimées, le gouvernement, et certains qui l'accompagnent, voudraient nous rassurer. L'Etat et les collectivités restent majoritaires avec 50,1%. Il faut être bien ignorant du fonctionnement des entreprises, ou bien malhonnête, pour lier le contrôle effectif et le strict pourcentage de parts. Ce n'est pas cela qui détermine la prise de contrôle, enfin ! Exemple local pour ceux qui ne seraient pas familiers avec ces notions: au sein d'EADS, anciennement Matra, la famille Lagardère qui avait le contrôle alors qu'elle était minoritaire. Pierre Izard ne s'y est pas trompé dans son communiqué, ni Martin Malvy qui après l'annonce s'est soucié d'un pacte d'actionnaire qui garantirait le contrôle de la puissance publique. Louable intention. Et nécessaire. Mais j'ai franchement beaucoup de mal à croire que de tels investisseurs vont débourser 300 millions d'euros sans vouloir avoir le contrôle. Médiapart se fait maintenant l'écho d'un tout autre pacte. Il sera crucial de savoir ce qu'il en est. Mais ce qui est dit me semble hélas bien vraisemblable.

Nous en revenons donc là. Le contrôle. Je citerai un camarade socialiste, ayant travaillé à l'aéroport, rappeler cette imparable logique : "Qui contrôle l'aéroport contrôle les créneaux horaires. Qui contrôle les créneaux horaires contrôle le business". Il suffit de voir ce qu'il en est des priorités sur les pistes pour comprendre, par analogie : à Blagnac, les avions Air France sur les pistes les plus proches, quand à Heathrow, c'est British Airways qui est favorisé.

D'autres soulignent même le risque industriel. Laisser le gouvernement chinois disposer d'une plateforme en Europe, un pied à terre pour le fret en quelque sorte, c'est condamner définitivement l'espoir de remonter une industrie dans le pays, disent-ils.

Le dernier problème est tout aussi majeur, bien que moins mesurable. C'est le sentiment de braderie, de renoncement, d'abandon, qui s'est répandu dans la population. Le succès de l'initiative de financement participatif de la plateforme de crownfunding Wiseed est révélateur. 18,5 millions de "promesses de dons", c'est à dire de déclarations d'intention de participer au rachat de 10% des parts de l'Etat. C'est un message assourdissant ! Et oui, les fondateurs de Wiseed sont gens très sérieux. Les donateurs tout autant. J'en étais, comme beaucoup de citoyens, non pour faire une affaire (bien que cela ne soit pas interdit, l'aéroport étant très rentable), mais pour marquer, comme beaucoup de haut-garonnais que je connais, un attachement à ne pas laisser ainsi partir "notre" aéroport. Je suis d'ailleurs très déçue que Bercy n'ait pas semblé prêter grande attention à l'offre qui a été déposée officiellement. Mais quoi qu'il en soit, reste le message, et reste le sentiment de dépossession. Il suffit d'aller discuter avec des toulousains pour le mesurer.

Alors oui, le maire UMP de Toulouse est content du choix du gouvernement. Il semble que l'affaire lui permette de financer certaines de ses promesses de campagne, si l'on comprends bien. Plus triste, le 1er Secrétaire du PS qui voit dans l'expression des oppositions des postures en vue de notre prochain congrès. Mais non Jean-Christophe, enfin, vraiment tu fais erreur.

Ce choix est scandaleux, je le maintiens. Et s'il se confirme dans les faits, nombreux sont ceux qui risquent à mon avis d'en payer les conséquences, à court, moyen ou long terme.

Est-il encore temps d'arrêter cela ?

Partager cet article
Repost0

commentaires